LE FURRY FÉLIN GUÉRISSEUR
7 years ago
LE FÉLIN FURRY GUÉRISSEUR
(d’après les contes traditionnels du Poitou)
Un soir de lune blanche, au village de St Cyr de Gâst, les chiens si mirent à hurler comme des loups. Le coq empaillé de l'épicière se mit à chanter comme à l'aube faisant au poulailler. Dans ce vacarme, les habitants se réveillèrent, certains inquiets, d'autres plus téméraires ouvrirent leurs volets. Au beau milieu de la rue marchait un être mi-chat, mi-humain au pelage blanc ; si blanc qu'on le voyait comme en plein jour. Une galipote, c'était certain ! De nul autre créature, il ne pouvait s'agir. Déambulant et taquinant les chiens qui aboyaient sur son passage, la galipote s'attarda devant la maison d'un couple de villageois. Elle toqua à la porte barrée, et dit :
- Femme, tu m'as appelé ?
Dans la maison, le couple se terrait. L'homme dit à sa femme :
- Tu es folle ? Tu as invoqué la galipote ?
- Oh, non ! Je te le jure. Comment peux-tu imaginer chose pareille ? Avec ces bêtes là, on ne sait jamais à quoi s'attendre.
La galipote frappa de nouveau à la porte :
- Femme, c'est toi que je viens voir. Le cours d'eau, le vent, les arbres et la brume m'ont dit que tu avais besoin de moi. Répond, c'est pour ton intérêt.
La femme effrayée ne savait pas si elle devait répondre ou bien se taire. Mais cette galipote devant sa porte, il était bien sûr qu'elle savait qu'elle était ici. Alors, avec un tremblement dans la voix, la femme dit :
- Je suis là, mais je ne vous ai pas appelée.
La galipote reprit :
- Que tu le saches ou non, tu m'as fait demander. Ton corps souffre et ton âme tout autant. Ouvre-moi cette porte. Je suis ton soulagement.
L'homme dit à sa femme :
- Reste ici. Tu ne vas quand même pas lui ouvrir. Dieu sait quel danger nous attend.
Entendant le murmure, la galipote dit :
- Tais-toi, homme. Ce n'est pas à toi que je m'adresse.
Et tout à coup, l'homme perdit la voix. Il avait beau articuler, aucun son ne sortait de sa bouche. La femme fut prise d'effroi. Qu'allait-il lui arriver si elle ne répondait pas à l'ordre de la bête ? Son mari allait-il resté muet ? Bien qu'effrayée, elle alla débarrer la porte et l'ouvrit.
- Me laisses-tu entrer ? Demanda la galipote. Je dois y être invité.
- Entrez, dit la femme comme un réflexe.
La galipote passa le seuil et alla s'assoir près de l'âtre de la cheminée où ne restait que quelques braises chaudes. Un leger geste de la patte, et le feu se mit à crépiter.
- J'aime à m'y chauffer dit la galipote de sa voix mâle et miaulante en regardant le feu.
L'homme voulut se lever et chasser cet intrus. D'un geste félin, la galipote tendit la patte dans sa direction, et l'homme fut pétrifié, ne pouvant bouger que les yeux. La femme se mit à trembler de tout son corps.
- N'ait crainte, femme, approche-toi. Je ne te veux aucun mal. Viens, et assieds-toi près de moi.
Hésitante, la femme s'approcha à peine.
- Viens-ici, te dis-je. Nous avons à parler.
La femme sentit son corps la conduire près de la créature et s'assoir près d'elle.
- Il n'est pas agréable de ne pas être maître de soi-même, dit la galipote. Mais, cela est plus facile pour toi de cette manière.
- Ne sachant comment appeler cette créature sans qu'elle se sente blessée, la femme demanda cependant :
- Maîtresse galipote (bien qu'il s'agisse d'un mâle, à l'évidence, la créature étant nue de la tête au pied), pourquoi être venue chez moi ? Je ne vous ai pourtant pas fait mander.
La galipote répondit :
- N'es-tu pas allée hier à la rivière pour y apaiser tes douleurs dans l'eau glacée ?
- Si, répondit la femme.
- N'as-tu pas fait prière d'en être soulagée ?
- Je ne peux pas dire le contraire, mais...
La galipote l'interrompit.
- L'eau a été émue par ta douleur qu'elle ne pouvait pas soulager. Elle en a parlé aux pierres du gué de l'étang. Aux arbres venus boire, elles en parlèrent. Les arbres, à leur tour, furent bouleversés. Par leur feuillage, ils ont raconté au vent que la femme qui aimait venir les honorer souffrait d'un bien grand mal qu'ils ne savaient guérir. C'est alors que la brume, accompagnée de quelques feuilles, s'est levée pour venir plaider pour toi en ma demeure et s'inviter chez moi, qui aime tant la chaleur. Tu sais que mon don est de guérir et de veiller aux soins et aux équilibres de la nature, ou ne le sais-tu pas ?
- N' non, dit la femme hésitante.
- C'est pourtant la raison pour laquelle je suis ici ! Maintenant, tourne-toi que je vois ton dos.
La femme s'exécuta de sa propre volonté, cette fois. L'être félin commença à ronronner. La femme sentit une patte se poser sur le haut de sa nuque, puis une autre descendre tout le long de sa colonne vertébrale et pour finir, suivre chacun de ses os. Tout en faisant ces manipulations, on entendait le ronronnement apaisant de la galipote. Quand elle eut terminé son ouvrage, elle dit à la femme :
- Maintenant tu peux te retourner et me regarder.
Les yeux hypnotiques, à l'iris vert émeraude de la galipote, semblaient illuminés.
- Ressens-tu encore quelque douleur, maintenant ?
Le visage de la femme était comme transformé.
- Je... je ne ressens plus aucun mal, dit-elle, tout à la fois à son étonnement et au soulagement de cette souffrance qui ne la quittait plus.
- Alors, pour toi, les oiseaux chanteront demain, dit la galipote. J'ai trouvé tes os bien malades. Et si je n'étais pas venu, je crains bien que ton mal ne t'eut emporté à la terre d'ici peu. J'ai terminé mon ouvrage maintenant. Caresse-moi le dessus de la tête, je te prie. La femme le fit bien volontiers. La galipote ronronna avec quelques petits coups de tete pour ton paiment de son action.
La galipote s'étira et se leva sans dire plus un mot. Franchissant le seuil de la porte, d'un léger soulèvement de sa patte ; ou de sa main, c'était difficile à dire ; elle délivra l'homme de sa paralysie et lui redonna la voix. La galipote referma la porte derrière elle sans même y toucher. Mais au sortir de la maison, reprenant son chemin, un chasseur, enragé envers ce qu'il considérait comme une abomination, tira avec son fusil sur la galipote qui reçu du plomb dans l'épaule. Le chasseur s'apprêtait à tirer un second coup de feu quand la galipote se retourna et le regarda, les yeux flamboyants de colère. Le chasseur se figea instantanément. En un miaulement de cris et de feulements, la galipote l'apostropha ainsi :
- C'est donc toi, le malfaisant, qui vient meurtrir mes bois et tuer mes frères !
La patte valide de la galipote pointa une griffe vers le chasseur, et tout en feulant lui jeta :
- Reçois le mal que je viens de retirer en récompense de tes méfaits.
Le chasseur se mit à se tordre de douleur, tandis que la galipote s'enfuit dans la nuit et disparut.
Le coq empaillé de l'épicière chanta une dernière fois avant que le soleil ne soit levé.
Le lendemain, ni plus que les jours suivants, on ne vit le meunier du moulin à aube du bois de l'étang au village. Le moulin resta fermé.
Mais près d'un mois plus tard, le chasseur devenu tordu de tout ses os vint à expirer d'un mal que nul ne connaissait.
Comme un mystère, c'est alors que le meunier revint au village donner sa farine au boulanger, non sans aller chercher son grain dans les fermes du voisinage, prenant son temps comme à son habitude. Et des greniers, à son approche, on voyait s'enfuir les rongeurs, souries, rats et autres petits muleaux, comme si ces bêtes sentaient l'odeur d'un chat.
Et la femme ? On dit qu'elle vécut longtemps et que son âme respire encore les bois de son bonheur.
(d’après les contes traditionnels du Poitou)
Un soir de lune blanche, au village de St Cyr de Gâst, les chiens si mirent à hurler comme des loups. Le coq empaillé de l'épicière se mit à chanter comme à l'aube faisant au poulailler. Dans ce vacarme, les habitants se réveillèrent, certains inquiets, d'autres plus téméraires ouvrirent leurs volets. Au beau milieu de la rue marchait un être mi-chat, mi-humain au pelage blanc ; si blanc qu'on le voyait comme en plein jour. Une galipote, c'était certain ! De nul autre créature, il ne pouvait s'agir. Déambulant et taquinant les chiens qui aboyaient sur son passage, la galipote s'attarda devant la maison d'un couple de villageois. Elle toqua à la porte barrée, et dit :
- Femme, tu m'as appelé ?
Dans la maison, le couple se terrait. L'homme dit à sa femme :
- Tu es folle ? Tu as invoqué la galipote ?
- Oh, non ! Je te le jure. Comment peux-tu imaginer chose pareille ? Avec ces bêtes là, on ne sait jamais à quoi s'attendre.
La galipote frappa de nouveau à la porte :
- Femme, c'est toi que je viens voir. Le cours d'eau, le vent, les arbres et la brume m'ont dit que tu avais besoin de moi. Répond, c'est pour ton intérêt.
La femme effrayée ne savait pas si elle devait répondre ou bien se taire. Mais cette galipote devant sa porte, il était bien sûr qu'elle savait qu'elle était ici. Alors, avec un tremblement dans la voix, la femme dit :
- Je suis là, mais je ne vous ai pas appelée.
La galipote reprit :
- Que tu le saches ou non, tu m'as fait demander. Ton corps souffre et ton âme tout autant. Ouvre-moi cette porte. Je suis ton soulagement.
L'homme dit à sa femme :
- Reste ici. Tu ne vas quand même pas lui ouvrir. Dieu sait quel danger nous attend.
Entendant le murmure, la galipote dit :
- Tais-toi, homme. Ce n'est pas à toi que je m'adresse.
Et tout à coup, l'homme perdit la voix. Il avait beau articuler, aucun son ne sortait de sa bouche. La femme fut prise d'effroi. Qu'allait-il lui arriver si elle ne répondait pas à l'ordre de la bête ? Son mari allait-il resté muet ? Bien qu'effrayée, elle alla débarrer la porte et l'ouvrit.
- Me laisses-tu entrer ? Demanda la galipote. Je dois y être invité.
- Entrez, dit la femme comme un réflexe.
La galipote passa le seuil et alla s'assoir près de l'âtre de la cheminée où ne restait que quelques braises chaudes. Un leger geste de la patte, et le feu se mit à crépiter.
- J'aime à m'y chauffer dit la galipote de sa voix mâle et miaulante en regardant le feu.
L'homme voulut se lever et chasser cet intrus. D'un geste félin, la galipote tendit la patte dans sa direction, et l'homme fut pétrifié, ne pouvant bouger que les yeux. La femme se mit à trembler de tout son corps.
- N'ait crainte, femme, approche-toi. Je ne te veux aucun mal. Viens, et assieds-toi près de moi.
Hésitante, la femme s'approcha à peine.
- Viens-ici, te dis-je. Nous avons à parler.
La femme sentit son corps la conduire près de la créature et s'assoir près d'elle.
- Il n'est pas agréable de ne pas être maître de soi-même, dit la galipote. Mais, cela est plus facile pour toi de cette manière.
- Ne sachant comment appeler cette créature sans qu'elle se sente blessée, la femme demanda cependant :
- Maîtresse galipote (bien qu'il s'agisse d'un mâle, à l'évidence, la créature étant nue de la tête au pied), pourquoi être venue chez moi ? Je ne vous ai pourtant pas fait mander.
La galipote répondit :
- N'es-tu pas allée hier à la rivière pour y apaiser tes douleurs dans l'eau glacée ?
- Si, répondit la femme.
- N'as-tu pas fait prière d'en être soulagée ?
- Je ne peux pas dire le contraire, mais...
La galipote l'interrompit.
- L'eau a été émue par ta douleur qu'elle ne pouvait pas soulager. Elle en a parlé aux pierres du gué de l'étang. Aux arbres venus boire, elles en parlèrent. Les arbres, à leur tour, furent bouleversés. Par leur feuillage, ils ont raconté au vent que la femme qui aimait venir les honorer souffrait d'un bien grand mal qu'ils ne savaient guérir. C'est alors que la brume, accompagnée de quelques feuilles, s'est levée pour venir plaider pour toi en ma demeure et s'inviter chez moi, qui aime tant la chaleur. Tu sais que mon don est de guérir et de veiller aux soins et aux équilibres de la nature, ou ne le sais-tu pas ?
- N' non, dit la femme hésitante.
- C'est pourtant la raison pour laquelle je suis ici ! Maintenant, tourne-toi que je vois ton dos.
La femme s'exécuta de sa propre volonté, cette fois. L'être félin commença à ronronner. La femme sentit une patte se poser sur le haut de sa nuque, puis une autre descendre tout le long de sa colonne vertébrale et pour finir, suivre chacun de ses os. Tout en faisant ces manipulations, on entendait le ronronnement apaisant de la galipote. Quand elle eut terminé son ouvrage, elle dit à la femme :
- Maintenant tu peux te retourner et me regarder.
Les yeux hypnotiques, à l'iris vert émeraude de la galipote, semblaient illuminés.
- Ressens-tu encore quelque douleur, maintenant ?
Le visage de la femme était comme transformé.
- Je... je ne ressens plus aucun mal, dit-elle, tout à la fois à son étonnement et au soulagement de cette souffrance qui ne la quittait plus.
- Alors, pour toi, les oiseaux chanteront demain, dit la galipote. J'ai trouvé tes os bien malades. Et si je n'étais pas venu, je crains bien que ton mal ne t'eut emporté à la terre d'ici peu. J'ai terminé mon ouvrage maintenant. Caresse-moi le dessus de la tête, je te prie. La femme le fit bien volontiers. La galipote ronronna avec quelques petits coups de tete pour ton paiment de son action.
La galipote s'étira et se leva sans dire plus un mot. Franchissant le seuil de la porte, d'un léger soulèvement de sa patte ; ou de sa main, c'était difficile à dire ; elle délivra l'homme de sa paralysie et lui redonna la voix. La galipote referma la porte derrière elle sans même y toucher. Mais au sortir de la maison, reprenant son chemin, un chasseur, enragé envers ce qu'il considérait comme une abomination, tira avec son fusil sur la galipote qui reçu du plomb dans l'épaule. Le chasseur s'apprêtait à tirer un second coup de feu quand la galipote se retourna et le regarda, les yeux flamboyants de colère. Le chasseur se figea instantanément. En un miaulement de cris et de feulements, la galipote l'apostropha ainsi :
- C'est donc toi, le malfaisant, qui vient meurtrir mes bois et tuer mes frères !
La patte valide de la galipote pointa une griffe vers le chasseur, et tout en feulant lui jeta :
- Reçois le mal que je viens de retirer en récompense de tes méfaits.
Le chasseur se mit à se tordre de douleur, tandis que la galipote s'enfuit dans la nuit et disparut.
Le coq empaillé de l'épicière chanta une dernière fois avant que le soleil ne soit levé.
Le lendemain, ni plus que les jours suivants, on ne vit le meunier du moulin à aube du bois de l'étang au village. Le moulin resta fermé.
Mais près d'un mois plus tard, le chasseur devenu tordu de tout ses os vint à expirer d'un mal que nul ne connaissait.
Comme un mystère, c'est alors que le meunier revint au village donner sa farine au boulanger, non sans aller chercher son grain dans les fermes du voisinage, prenant son temps comme à son habitude. Et des greniers, à son approche, on voyait s'enfuir les rongeurs, souries, rats et autres petits muleaux, comme si ces bêtes sentaient l'odeur d'un chat.
Et la femme ? On dit qu'elle vécut longtemps et que son âme respire encore les bois de son bonheur.
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